Les roses et le Val d’Or
Saint-Benoît porte cinq roses rouges à son blason : ce sont les armoiries de l’abbaye de Fleury, qui a été un foyer de rayonnement culturel et spirituel dans toute l’Europe, dès le haut Moyen Age. Les armes de l’abbaye, qui se lisent : d’azur à une croix d’argent chargée de 5 roses de gueules cantonnée de 2 lys d’or en chef et de 2 crosses d’or adossées en pointe, figurent dans le plus ancien armorial urbain parvenu jusqu’à nous, l’Armorial de Pierre de La Planche (1640-1646) conservé au musée Condé de Chantilly.
Mais pourquoi ces cinq roses pour symboliser ce haut lieu de l’art et de l’esprit ?
Tout vient de l’étymologie, de l’origine même du nom de Fleury, que les anciens moines faisaient venir tout simplement de « Fleur ». Fleury est un lieu « florissant », aimaient-ils à dire, célébrant la beauté lumineuse et fleurie de ce jardin fertile qu’est cette partie du Val orléanais, qui, pour cela, fut très tôt (dès le 9e siècle) appelée « Val d’Or ».
On remarquera que les roses du blason sont des roses à quatre pétales, semblable aux roses sauvages qui poussent spontanément dans la forêt d’Orléans, toute proche du monastère, et que les moines cultivaient dans leur jardin des simples pour leurs vertus médicinales.
Un beau passage de la « Légende dorée » de saint Benoît raconte l’épanouissement miraculeux des roses sauvages en plein hiver :
Au 9e siècle, les Normands sous la conduite de leur chef Rainaldus remontaient la Loire et pillaient tout sur leur passage. Les moines avaient alors mis les reliques de saint Benoît en sécurité à Orléans. Après le départ des Normands, ils décident de ramener les reliques au monastère, et c’est là qu’a lieu le miracle : la barque chargée des précieuses reliques, sans pilote, sans voile ni rame, largue les amarres au port d’Orléans et remonte toute seule la Loire, brisant la glace qui avait pris le fleuve (on était le 4 décembre) ; et sur son passage tous les buissons d’églantines et d’aubépines se couvrent de fleurs, comme si l’on était en avril… Une fête religieuse, appelée l’Illation de saint Benoît, tous les 4 décembre, avait lieu dans le village pour rappeler ce beau miracle.
Et voilà pourquoi le blason de Saint-Benoît est parsemé de roses, et pourquoi il fait bon vivre dans le Val d’Or, le val florissant…
Les roses rouges de Saint-Benoît-sur-Loire ont aussi fleuri sur les blasons d’autres communes qui faisaient autrefois partie des biens de l’abbaye de Fleury. Et ces roses rappellent les liens très étroits qui unissaient ces petites paroisses au célèbre monastère bénédictin.
Guilly, qui appartenait autrefois à l’abbaye, porte sur son blason une rose rouge (ou rose de gueules, selon la terminologie héraldique), de même que Montereau, dont la rose rouge évoque son ancienne appartenance aux vastes domaines de l’abbaye de Fleury. La Cour-Marigny, dont les deux roses rouges (une rose de gueule aux 2e et 3e cantons selon la science héraldique) rappellent que le territoire de Marigny a dépendu de l’abbaye de Saint-Benoît depuis l’an 855 jusqu’à la Révolution. Germigny-des-Prés avec deux roses de gueules. Ces deux roses rouges sont aussi empruntées aux armoiries de l’abbaye de Saint-Benoît, allusion au rattachement dès le 8e siècle de Germigny à l’abbaye de Saint-Benoît.
Ainsi les roses rouges de Saint-Benoît jalonnent-elles les chemins des roses dans le Loiret, entre histoire et légende…